
Breakthrough Devices (BtX) : que change réellement le guide MDCG 2025-9 pour les fabricants de dispositifs médicaux ?
Reglementation des dispositifs medicaux
L’innovation est au cœur de nombreux projets de dispositifs médicaux. Pourtant, sous MDR et IVDR, beaucoup de fabricants font le même constat : plus un dispositif est innovant, plus son parcours réglementaire devient incertain. Exigences cliniques difficiles à anticiper, attentes variables selon les acteurs, comparaison constante avec les programmes d’accès accéléré hors UE.
La publication du guide MDCG 2025-9 – Guidance on Breakthrough Devices (BtX), le 16 décembre, s’inscrit clairement dans ce contexte. Le document ne crée pas un nouveau statut réglementaire, mais propose un cadre commun pour identifier et accompagner les dispositifs de rupture, tout en restant aligné avec les exigences du MDR et de l’IVDR.
L’enjeu est double : faciliter l’accès au marché de certaines innovations majeures, sans affaiblir le niveau d’exigence attendu en matière de sécurité et de performances.
Qu’est-ce qu’un “Breakthrough Device” selon le MDCG 2025-9 ?
Le guide introduit le terme Breakthrough Device (BtX) comme une notion transversale, couvrant à la fois :
- les dispositifs médicaux (BtMD) relevant du MDR,
- les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (BtIVD) relevant de l’IVDR.
Un point est posé d’emblée : breakthrough ne signifie ni « prioritaire par défaut », ni « innovation marketing ». Il s’agit de dispositifs dont la rupture est suffisamment marquée pour justifier une approche réglementaire proportionnée, notamment sur la stratégie clinique.
Le périmètre est volontairement large : toutes les technologies et toutes les classes de risque peuvent être concernées. En revanche, les dispositifs sur mesure, les dispositifs fabriqués en interne par les établissements de santé et les produits de l’annexe XVI sont exclus.
Quels critères un dispositif doit-il remplir pour être qualifié de Breakthrough Device ?
Le MDCG est très clair : les critères sont cumulatifs. Un dispositif doit répondre à la fois à une exigence de nouveauté élevée et à une attente d’impact clinique positif significatif.
Le critère de nouveauté : une vraie rupture, pas une amélioration incrémentale
La nouveauté peut porter sur plusieurs dimensions :
- la technologie elle-même (matériaux, mécanisme d’action, IA, nanotechnologies, biomarqueurs, plateformes analytiques),
- la procédure clinique associée,
- l’application du dispositif dans la pratique clinique (nouvelle indication, nouveau parcours patient, nouvel utilisateur, déploiement hors laboratoire, automatisation, etc.).
Le guide insiste sur un point souvent mal compris par les fabricants : une amélioration progressive d’un dispositif existant, même performante, ne suffit généralement pas. Plus la rupture est faible, plus il devient difficile de justifier un statut BtX.
À l’inverse, les dispositifs « first-in-class » ou susceptibles d’entraîner un changement de paradigme clinique sont explicitement cités comme de bons candidats potentiels.
Le critère d’impact clinique positif significatif
La nouveauté seule ne suffit pas. Le dispositif doit viser :
- une maladie grave, potentiellement mortelle ou irréversiblement invalidante,
- et démontrer un bénéfice clinique attendu significatif par rapport à l’état de l’art, ou répondre à un besoin médical non couvert.
L’évaluation est comparative par nature : performances, bénéfices cliniques, risques, qualité de vie, impact en santé publique.
Le guide souligne une tension centrale : plus la nouveauté est élevée, plus l’incertitude augmente, et plus le fabricant doit être capable de justifier de manière crédible le bénéfice attendu.
Le statut Breakthrough Device modifie-t-il les exigences cliniques MDR / IVDR ?
La réponse courte est souvent contre-intuitive : oui dans l’approche, non dans le niveau d’exigence.
Le guide ne crée aucune exemption réglementaire. Les exigences du MDR et de l’IVDR restent pleinement applicables. En revanche, il reconnaît explicitement que, pour certains dispositifs de rupture :
- la génération complète de données cliniques pré-market peut être irréaliste,
- certains designs classiques (par exemple des RCT randomisés) peuvent être difficilement applicables, voire non éthiques.
La logique proposée repose sur un rééquilibrage entre données pré-market et post-market :
- un socle de données cliniques ou de performances suffisamment robuste pour démontrer la sécurité et le bénéfice attendu,
- complété par un PMS et un PMCF / PMPF renforcés, conçus dès l’amont du développement.
Autrement dit, le BtX n’est pas un raccourci. C’est une stratégie clinique plus exigeante dans sa cohérence, mais parfois plus réaliste dans son séquencement.
Quel rôle pour les expert panels et les organismes notifiés dans le cadre BtX ?
Le rôle des expert panels
Le guide MDCG 2025-9 renforce clairement la place des expert panels dans l’accompagnement des dispositifs de rupture :
- avis sur le statut Breakthrough Device,
- possibilité d’early advice à un stade très précoce du développement,
- coordination possible avec les autorités d’évaluation des technologies de santé (HTA).
Cette logique s’inscrit dans la continuité des mécanismes existants, notamment la procédure de consultation sur l’évaluation clinique (CECP).
Le rôle des organismes notifiés
Côté organismes notifiés, le guide prévoit :
- une priorisation des dossiers BtX,
- un dialogue structuré renforcé,
- la possibilité de certificats assortis de conditions spécifiques,
- une attention particulière portée à la surveillance post-market.
Le message est clair : le BtX ne réduit pas le rôle de l’organisme notifié, il le déplace plus en amont et sur la durée du cycle de vie.
Cas pratiques : ce que le guide change concrètement pour les fabricants
Cas pratique 1 – Dispositif très innovant, données cliniques limitées
Un fabricant développe un dispositif radicalement nouveau, destiné à une pathologie grave, avec peu ou pas d’équivalents cliniques. Les données pré-market sont prometteuses mais encore limitées.
Sans cadre BtX, ce type de projet se heurte souvent à des exigences cliniques difficiles à satisfaire avant marquage CE. Le guide permet ici de défendre une approche structurée : justification scientifique solide, collecte précoce de données pertinentes, et PMCF renforcé clairement assumé.
Cas pratique 2 – Dispositif très performant mais peu différenciant
À l’inverse, un dispositif peut afficher de très bonnes performances techniques tout en restant proche de l’état de l’art. Dans ce cas, le guide est explicite : le statut BtX est difficile à justifier.
Le message est volontairement dissuasif vis-à-vis des tentatives de surqualification. Le BtX vise la rupture, pas l’optimisation.
Breakthrough Device : opportunité stratégique ou faux espoir réglementaire ?
Le guide MDCG 2025-9 ne promet pas de voie rapide automatique vers le marquage CE. Il n’offre ni exclusivité marché, ni allègement réglementaire par défaut.
En revanche, il apporte quelque chose de plus subtil mais de fondamental :
- une reconnaissance officielle de l’incertitude liée à l’innovation de rupture,
- un cadre commun pour discuter de proportionnalité,
- un levier de dialogue structuré avec les autorités et les organismes notifiés.
Pour les fabricants, le statut BtX est avant tout un outil stratégique, qui se prépare très en amont du dossier CE, bien avant la soumission formelle.
Mini FAQ – Breakthrough Devices (BtX)
Un dispositif peut-il être BtX s’il existe déjà une alternative sur le marché ?
Oui, à condition de démontrer un bénéfice clinique significatif par rapport à l’état de l’art.
Le statut BtX permet-il d’éviter une investigation clinique ?
Non. Il peut permettre d’adapter la stratégie clinique, mais pas de supprimer les exigences.
Le statut BtX est-il définitif ?
Il peut évoluer dans le temps, en fonction du développement du dispositif et du contexte clinique.
Les logiciels médicaux et dispositifs d’IA sont-ils concernés ?
Oui, ils sont explicitement mentionnés dans le guide.
BtX et dispositif orphelin peuvent-ils se cumuler ?
Oui, les deux cadres sont considérés comme complémentaires.
Ressources associées
- Procédure CECP : à quoi doivent être vigilants les fabricants de dispositifs médicaux ?
- Publication des rapports d’investigation clinique : le guide MDCG 2024-15 expliqué
- Comprendre l’importance du plan de gestion des risques (PGR) dans les dispositifs médicaux
L’approche Breakthrough Device rappelle une évidence parfois oubliée : l’innovation réglementaire ne consiste pas à contourner les exigences, mais à les structurer intelligemment lorsque les cadres classiques atteignent leurs limites. Elle impose une réflexion amont sur la stratégie clinique, la gestion des risques, le séquencement des données et le dialogue avec les autorités, bien avant la soumission du dossier de marquage CE.
Dans ce contexte, CSDmed apporte à ses clients – start-ups, fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux – une expertise réglementaire et une approche méthodique, portée par une équipe de consultants spécialisés. Cette approche permet de traiter de manière cohérente et intégrée les enjeux de R&D, de système de management de la qualité (SMQ) et de dossier technique MDR / IVDR, en tenant compte des spécificités des dispositifs innovants.
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